Djamel-Abderrahmane-au-centre-entouré-de-quelques-membres-de-la-régie-octobre-2021

Djamel naït Abderrahmane : père courage

« Tu pars de chez toi/ Quand ta maison ne te permet plus de rester » écrit la poétesse somalienne Warsan Shire. Et sa maison d’Alger, Djamel Naït Abderrahmane ne l’aurait sans doute jamais quittée si son fils Aimen n’avait souffert d’une ostéogenèse imparfaite, une pathologie plus connue sous le nom de « maladie des os de verre ».

Elle entraîne, surtout dans la période de croissance, des fractures répétées, au moindre choc, à la moindre chute. Alors fin 2018, à l’âge de 41 ans, Djamel Naït Abderrahmane a vendu sa voiture, laissé derrière lui son métier de pâtissier, sa femme et ses trois filles de 4, 6 et 8 ans, qu’il n’a pas revues depuis. Il est parti seul pour Paris avec son fils de10 ans et le fol espoir de lui assurer un suivi médical qui pourrait le sauver. « En Algérie, ce n’est même pas la peine » répète-t-il désabusé.

Tous deux ont été hébergés par le 115, puis l’hôpital Necker a pris en charge l’enfant, scolarisé en avril 2019. En août, une première fracture oblige ce dernier à se rendre au centre de rééducation fonctionnelle de Villiers- sur-Marne. D’autres suivent dont une en juillet 2020, nécessitant une première hospitalisation, puis une autre, suite à une infection. Depuis 3 ans, Aimen n’a pas marché, sauf une fois, une centaine de mètres avec un déambulateur, et des douleurs intolérables le jour suivant.

Parallèlement, le père se met à chercher du travail. Il ne peut reprendre son métier, car les postes qu’on lui propose supposent de travailler le week-end ou la nuit. « Le week-end, c’est sacré » répète-t-il. C’est le seul moment où je peux rester avec mon fils. Je suis le père, la maman et je travaille. » Sur le conseil d’un ami, il candidate à la Régie de Quartier Passerelles 17 à Paris. Il obtient un contrat à durée déterminée d’insertion (CDDI) d’opérateur de quartier en propreté d’une durée de six mois, lequel est renouvelé deux fois.

« Il s’occupe du nettoyage des parkings, explique Nayemat Ibrahima, la directrice de la Régie. C’est un type de poste sur lequel on a des retours immédiats, des gardiens d’immeuble comme des usagers, ils sont tous très positifs. » De la Préfecture, il n’obtient que des APS, des autorisations provisoires de séjour, d’une durée de six mois, avec une autorisation de travailler, mais aucun autre droit, pas même celui de changer son permis de conduire. Comment sortir dès lors de la précarité ?

En mai 2021, alors qu’il a demandé un renouvellement de son titre de séjour, il reçoit une OQTF, une obligation de quitter le territoire français. « On a un service de l’État qui prend une décision qui casse un processus d’insertion où l’État investit » commente Bertrand Jullien, le fondateur de la Régie. « Ce qui a été fait pour Djamel Naït Abderrahmane, en terme d’accompagnement personnel et administratif, est au cœur du travail des régies » ajoute Michèle Wagner, l’actuelle présidente. « Ce n’est pas la première fois que nous avons des salariés avec des APS parce qu’ils ont un enfant malade, ce qui est en soi très contraignant, mais nous n’avions jamais eu à affronter d’OQTF », renchérit Nayemat Ibrahima, qui précise aussitôt : « Nous avons malgré tout renouvelé son contrat. »

Une pétition a été lancée qui a rassemblé 361 signatures. Les députés des deux circonscriptions où intervient la régie, Stanislas Guerrini (LREM) et Danièle Obono (FI), ont écrit au Préfet Didier Lallement. Une nouvelle audience a eu lieu, après notre entretien, le 19 octobre. Le 2 novembre, Djamel Naït Abderrahmane a reçu un appel de son avocat lui annonçant l’obtention d’un titre de séjour annuel. La mesure doit être encore validée au tribunal en janvier. Lors de notre rencontre, il rêvait de voir son fils passer un week- end dans son studio aménagé. Mais il vit au 7e étage et l’ascenseur est en panne. Rien n’est prévu en l’état pour son transport médicalisé.

 

Photo Olivier Favier ; Djamel Abderrahmane au centre, entouré de quelques membres de la régie , octobre 2021.