Entretien avec Cédric Ringenbach, Fondateur et président de la Fresque du Climat
La Fresque du climat, c’est un outil sérieux de renforcement d’équipe. Il est structuré en trois phases et dure, en tout, trois heures. Il repose scientifiquement sur les rapports du GIEC – Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat. Pouvez-vous nous expliquer comment il est né et pourquoi il a pris cette forme ?
Cette idée m’est venue lorsque j’ai découvert qu’autour de moi beaucoup de personnes étaient ignorantes des phénomènes alors que je croyais que tout le monde savait de quoi il s’agissait quand on parlait de changement climatique. Il faut dire qu’étant de formation scientifique j’ai toujours aimé comprendre les choses et je me suis très vite passionné par les sujets liés au climat. A tel point qu’après m’être plongé dans les synthèses du GIEC, j’ai commencé à donner des cours d’une
journée sur ce sujet.
J’avais déjà créé un jeu auparavant sur l’oenologie, et je savais qu’on apprend beaucoup mieux quand le contenu est ludique et quand on fait appel à l’intelligence collective. Un jour, j’ai donc testé avec mes étudiants un atelier qui consistait à remettre dans l’ordre des schémas issus du rapport du GIEC et j’ai constaté que cela fonctionnait très bien.
J’ai travaillé sur le design des cartes et de l’atelier et en mars 2018 avec quelques amis et en seulement 2 semaines, nous avons organisé la première Fresque géante pour 900 étudiants au pôle universitaire Léonard de Vinci. Cela nous a conduits à créer l’association la Fresque du climat quelques mois plus tard.
Les Régies ont commencé à utiliser l’outil en 2022 et vous avez eu l’occasion, ce printemps, de visiter une Régie. Pourquoi la sensibilisation au dérèglement climatique est importante dans les quartiers populaires ? Est-ce que le Mouvement des Régies peut être une nouvelle voie d’essaimage de la Fresque ?
La sensibilisation est importante partout, et elle est un grand levier d’émancipation car on agit de manière beaucoup plus efficace quand on comprend un problème. Dans les quartiers populaires, l’écologie n’est généralement pas une préoccupation principale pour les habitants, qui font d’abord face à des difficultés économiques et sociales. Pourtant, ils sont en première ligne car ce sont surtout eux qui vivent dans des logements mal isolés, dans des environnements bétonnés, sans espaces verts. Les politiques environnementales représentent un enjeu énorme pour eux, souvent sans qu’ils le sachent ! La Fresque du Climat leur permet de comprendre ces enjeux et de s’en saisir, d’être outillés pour se battre pour leurs droits.
Lors de l’évènement annuel des Régies, Régies en Scène (le 9 juin 2023), nous avons perçu un fort intérêt d’une dizaine de Régies pour La Fresque. L’idée d’une collaboration est vite apparue comme une évidence, avec d’un côté les Régies qui souhaitent continuer leur chemin vers la transition écologique et valoriser ces efforts dans les quartiers, de l’autre, la Fresque qui cherche à sensibiliser tous les publics et être la plus accessible possible dans un souci d’inclusivité. Notre modèle repose sur notre capacité d’empowerment et d’autonomisation des collectifs dans la compréhension puis la transmission des enjeux climatiques. C’est ce modèle viral qui a fait le succès de La Fresque, et qui permet d’avoir une meilleure proximité entre les animateurs et les participants. Nous espérons voir des centaines d’animateurs et animatrices formés dans les Régies pour accélérer cette sensibilisation indispensable !
Les premiers retours font état de difficultés pour certains de nos publics à appréhender l’ensemble des informations transmises, parfois complexes, et à suivre un format qui peut paraître long. Faut-il adapter la Fresque pour toucher un public plus large ?
C’est un travail qui est en cours. J’espère qu’on pourra vous en parler très bientôt. Mais il n’est pas indispensable d’avoir retenu toutes les informations de la Fresque pour aborder la discussion sur les solutions qui est, au final, la partie la plus importante.
Crédit photo : © Mary-Lou Mauricio
Textes : © Olivier Favier