
C’est un binôme bien rodé qui intervient en cette belle journée d’avril au cœur du micro-quartier Champfleury-Eisenhower, au sud d’Avignon. Sylvette Carlevan a ouvert la voie en 2012, après avoir suivi une formation en prévention santé. « Au début j’intervenais dans le seul cadre de la Régie, puis je suis allée chercher le Planning. » Depuis 2019, elle s’est ainsi associée à Anina Mahi, laquelle a une double casquette de conseillère conjugale et familiale pour le conseil départemental et, comme c’est le cas aujourd’hui, d’intervenante pour le Planning familial.
« On parle de tout, expliquent-elles, d’IST [Infection sexuellement transmissible], de contraception, de violence, d’endométriose ou de pré-ménopause. Mais la spécificité de notre duo, c’est le dépistage des cancers féminins et l’accès aux soins. » Toute la difficulté réside dans le fait d’inciter à la vigilance sans créer d’inquiétude. Pour cela, il faut créer la confiance. « On rappelle le rôle du médecin traitant » précise Sylvette Carlevan. Et toutes deux de rappeler les encouragements qu’elles ont reçus des inspecteurs de l’IGAS [ Inspection générale des affaires sociales].« Une fois qu’on a prévenu, poursuit Sylvette, on laisse libre cours à la discussion. » « C’est un temps pour elles » poursuit Anina.
Fatma Hamu, co-directrice du chantier d’insertion Insercall où a lieu l’atelier du jour, rappelle que le binôme intervient dans sa structure deux ou trois fois par an. « Nous avons 25 salariés en CDDI de 24 heures, en majorité des femmes. On veille à ce qu’elles aient toutes fait cet atelier durant leur passage. On ne prend pas sur leur temps extérieur, c’est très important. Elles se sentent libres d’échanger, de témoigner, de questionner. » Et elle conclut dans un sourire : « On vient ici pour se délier la langue. » La structure accueille aussi un autre atelier sur les violences faites aux femmes, sur une journée entière.
Délier les langues
À l’issue de la rencontre, les bénéficiaires font part de leur ressenti. « Ce qu’on a appris à l’école, c’est loin » reconnaît l’une d’elles tandis qu’une autre s’est aperçue que, jusque-là, elle ne faisait pas sa toilette intime comme il le fallait. « J’ai posé des questions que je n’osais pas poser au médecin » renchérit une troisième.
Depuis 2016, plusieurs campagnes ou stratégies nationales se sont succédé autour de l’endométriose. « On en entend parler mais c’est flou. » Sylvette a rappelé pendant la séance qu’il faut attendre sept ans en moyenne en France pour que le diagnostic de cette maladie soit établi. « Quand on est maman on ne prend pas forcément soin de soi » reconnaît l’une des bénéficiaires, et plusieurs autres se réjouissent surtout de transmettre ce qu’elles ont appris à leur entourage.
« Les structures existent, mais encore faut-il pousser la porte » nous avait dit Sylvette Carlevan à propos de l’Animation territoriale citoyenne, un dispositif expérimental qu’elle avait orienté vers une meilleure connaissance des dispositifs existants pour résoudre les problèmes quotidiens des femmes, souvent mises à l’écart de l’espace public. [Voir le numéro 82 d’Info-réseau]
Cet atelier a ainsi rappelé le rôle du Planning familial, qui offre des possibilités de consultation à toutes les femmes. Beaucoup croyaient qu’il était réservé aux personnes en difficulté, ou aux jeunes filles de moins de 25 ans. Le Planning familial a été créé en France il y a plus de soixante ans dans l’élan du combat féministe pour la contraception et l’avortement et, aujourd’hui encore, plus que jamais, il existe et se bat pour toutes les femmes.