Carole Ferrini

Entretien avec Carole Ferrini, responsable RH Régie Paris 19

Carole Ferrini est responsable des Ressources humaines à la Régie de Quartier de Paris 19e. Elle a été directrice-adjointe de la Régie du Blanc-Mesnil et a vu directions et présidences se féminiser au fil des années dans le réseau. Elle nous livre ses réflexions sur les actions menées par le réseau en direction des femmes.

La première réponse qu’une Régie peut apporter à la question de l’égalité femme-homme, c’est évidemment celle de l’emploi. Est-ce pourtant la seule ?

On sait que l’accès à l’emploi est essentiel dans une société pour accéder à l’égalité femme-homme, mais pour moi les Régies vont plus loin, notamment dans les quartiers populaires. Elles le font en proposant un emploi de proximité, notamment pour les femmes, avec des temps de formation sur le temps de travail et des actions de lien social.

Comment cela se traduit-il concrètement ?

Proposer des emplois de proximité, c’est un plus pour essayer de toucher des femmes dans une situation sociale très compliquée. Trouver un emploi très éloigné de son lieu de vie peut être rédhibitoire, notamment pour des mères célibataires dans des situations financières catastrophiques. Certaines d’entre elles n’ont jamais travaillé. Cela ne veut pas dire qu’il faut toujours rester dans son quartier, mais pour un premier emploi, la solution que nous proposons est assurément plus rassurante et confortable. Par ailleurs, le simple fait de voir dans son environnement immédiat d’autres femmes du quartier qui travaillent ouvre le champ des possibles pour les autres.

Ensuite, de nombreuses Régies de Quartier proposent des formations linguistiques. Dans le 19e par exemple, nous avons beaucoup plus de femmes que d’hommes qui n’ont jamais été scolarisées. Les cours de français que nous proposons sont à visée professionnelle. On peut ainsi passer deux ans à la Régie, avec un suivi linguistique continu, et intégrer le marché classique beaucoup mieux armé.

Enfin, les Régies sont très innovantes sur les actions de lien social. Cela permet parfois à des femmes très éloignées de l’emploi de se rapprocher de nous. C’est par ce biais que dans un second temps, elles vont postuler pour travailler à la Régie.

 

L’égalité peut rester un principe théorique. L’exemple le plus connu est celui du droit de vote et d’éligibilité des femmes, qui date de 1944 en France, mais qui 56 ans plus tard a dû s’accompagner d’une loi pour équilibrer le nombre de candidatures entre les hommes et les femmes, ces dernières demeurant très minoritaires parmi les élus. En résumé, est-ce qu’à l’égalité, il ne faut pas ajouter la parité ?

 

La loi est parfois très éloignée de la réalité. Dans les Régies de Quartier, nous sommes au plus près des habitants, parce que nous sommes de petites structures, habituées aux actions concrètes et dotées d’une vraie volonté politique. C’est en constatant par exemple que seuls les hommes venaient au travail à vélo qu’est née notre initiative de vélo-école dédiée aux femmes [voir notre encadré]. On a une vraie force pour accéder à cette parité, parce qu’on s’adapte à chaque fois par de petites actions, co-construites avec les salariés, les partenaires. C’est comme cela qu’on peut lever les freins qui empêchent les habitants d’avoir une vie meilleure.

 

Dans notre dossier, d’autres questions sont apparues, qui sont posées de manière plus prégnante ces dernières années, comme celles du harcèlement ou des métiers dégenrés. Quelles sont les actions menées par les Régies autour de ces problématiques ?

Le harcèlement est une question délicate qui reste largement à poser. Souvent dans les Régies, du fait même d’un état d’esprit très collectif, très bienveillant, on peut passer à côté de certains faits de harcèlement. Pour le reste, il existe une vraie volonté de dégenrer nos métiers, mais on se heurte ici à une réalité qui nous dépasse, celle de la société, des centres de formation, du marché du travail. Chez nous, dans les espaces verts ou dans le bâtiment, nous n’avons aujourd’hui aucune femme, elles sont toutes dans le secteur du ménage. Nous manquons de candidatures, mais s’il s’en présente, nous les accueillerons  à bras ouverts. On constate aussi des résistances au niveau des encadrants techniques. Ce sont les femmes qui sont lésées par cette situation. Dans le ménage, nous avons une parité, autant d’hommes que de femmes. Il n’y a pas d’activité où nous n’avons que des femmes.