JAMEL ARFI

Entretien avec Jamel Arfi, ancien directeur de la Régie de Trélazé

" Le projet Régie est un projet citoyen "

Certaines Régies se sont emparées des dispositifs d’État et d'expérimentations (Quartiers fertiles, Maisons France Service, Animations territoriales citoyennes, Tiers Lieux etc.). Est-ce à dire que les Régies sont particulièrement innovantes ?

 

Nous sommes un mouvement d’éducation populaire qui n’attend pas qu’on lui donne des directives, il n’attend pas qu’on lui donne des fléchages sur son projet. C’est un mouvement responsable, qui agit sur son territoire, en réponse aux souhaits des habitants. Nous n’attendons pas les appels à projet pour agir quotidiennement. Ceci étant, nous ne manquons pas de nous saisir des opportunités. Si à un moment donné il y a une rencontre avec les volontés des collectivités locales ou nationales, nous y répondons.

Les dispositifs évoqués plus haut sont récents. Pour autant, ils s’inscrivent dans une histoire plus longue.

Il y a un deuxième terme qui me vient à l’esprit, après celui de mouvement. Le projet régie est un projet citoyen, en d’autres termes, nous sommes ravis chaque fois que nos interlocuteurs des collectivités et de l’État flèchent leurs actions en direction des quartiers prioritaires dans lesquels nous intervenons. Ces rencontres ne datent effectivement pas d’hier. Après les événements de 2005, nous avons travaillé avec les collectivités et l’État pour apaiser les tensions, pour limiter l’impact de ce climat social qui devenait délétère. Chaque année, nos régies nourrissent les projets politiques de la ville, que cela concerne la jeunesse, l’emploi, la tranquillité dans les quartiers et, dans ce cadre, nous sommes probablement le réseau qui répond le plus aux appels à projet.

La question du maraîchage et des jardins partagés est au cœur de nombreux projets portés par les Régies. Comment percevez-vous ce phénomène ? En est-il de même dans la Régie que vous dirigiez ?

On constate enfin aujourd’hui, avec le dispositif Quartiers fertiles, que ces projets peuvent être aidés. Jusque là, nous les portions parfois sur nos propres deniers. Parmi nos actions à Trélazé, il y a deux jardins au pied d’immeuble. Ils permettent d’aborder la question du lien social mais aussi celle de l’alimentation dans les quartiers prioritaires où la malbouffe est très présente. Nous avons passé une convention avec un bailleur qui avait un jardin en pied d’immeuble qu’il n’arrivait pas à faire vivre. Nous avons aidé les habitants à faire vivre cet espace où s’impliquent une dizaine de jardiniers. Nous apportons du savoir-faire, de l’outillage, car ce sont parfois des investissements trop lourds pour eux, et nous abordons aussi la question des déchets végétaux. Ces jardins ont vocation à produire, mais on va se saisir de cela aussi pour travailler au vivre ensemble.

Un mot de conclusion?

Nos projets ne sont pas limités dans le temps, ils s’inscrivent dans la durée. Ce n’est pas le cas des dispositifs et des appels à projet mis en place avec une certaine précarité. Il faut que nos partenaires, et notamment l’État, s’inscrivent avec nous dans une dynamique durable. Cela n’a pas de sens de mobiliser les habitants sur des solutions temporaires, il ne faut pas mettre des pansements sur les problématiques qu’ils rencontrent, il faut sécuriser ces actions qui engagent aussi notre crédibilité.

Nous sommes heureux que l’État entende nos préoccupations et qu’il nous accompagne par ses dispositifs, mais nous faisons attention à la précarité de ces derniers. C’est la limite aujourd’hui de projets politiques qui ont un calendrier. Il en va aussi de notre crédibilité.