Photo de Jean-Baptiste Moreau

Maison France Services : Au Creusot, « on répond au besoin, on comble un vide. »

La Régie de Territoire CUCM Nord est née de la fusion de la Régie du Creusot et de celle de Torcy en janvier 2015. Lorsque Jean-Baptiste Moreau en a repris la direction en octobre 2019, il a dû donner la priorité au secteur économique pour assurer la survie de l’entreprise. Mais le développement du volet social n’a jamais été oublié, comme en témoigne la création de la Maison France Services en janvier 2021.

La Régie intervient sur les 19 communes du secteur nord de la communauté urbaine de Creusot-Montceau. Cette vieille région industrielle a conservé quelques fleurons (Alstom, Framatome), mais nombre d’emplois induits concernent un personnel très qualifié, dont le recrutement est en partie exogène. Globalement, le taux de chômage demeure supérieur à la moyenne nationale. « Ici, commente Jean-Baptiste Moreau, il y avait les Schneider, et les Schneider faisaient tout. »

En 2018, la Régie a été confrontée à de graves difficultés avec la fin des emplois aidés, la perte d’un marché et d’une subvention du FSE (Fonds social européen). Il a fallu procéder à onze licenciements. Depuis 2015, la Régie agit sur trois quartiers, Harfleur, la Résidence du Lac à Torcy et Le Tennis. L’arrivée de Jean-Baptiste Moreau a coïncidé avec une importante opération anti-drogue entre Le Tennis et Paris, qui a mobilisé 120 policiers. Le ton était donné. Quand la Régie a déménagé en juin 2020, le choix a pourtant été fait de demeurer dans la même rue. « On n’arrête pas de dire qu’il faut ouvrir le quartier, argumente le directeur. Ça passe aussi par faire venir des gens de l’extérieur.»

La Maison France Services s’est ainsi ouverte en plein coeur du QPV (Quartiers prioritaires de la politique de la ville). « En mars 2020, lors du premier confinement, se souvient Jean-Baptiste Moreau, on était les seuls à rester ouverts. On s’est vite aperçu qu’il y avait un vrai besoin d’accès aux droits. » C’est donc très naturellement que la Régie est devenue l’une des six à recevoir le label France Services, le 1er janvier 2021. Le label représente 30 000€ de subvention annuelle. « En fait, explique-t-il, il y a des Régies qui sont déjà sur ce sujet. Il ne manque pas grand-chose pour qu’elles puissent basculer. » Concrètement, il faut des locaux dédiés, 24 heures d’ouverture hebdomadaire toute l’année et donc un minimum de deux salariés. La Régie en compte trois. L’un est parti en tant que conseiller de la Mission locale et un processus de recrutement est en cours.

« On n’arrête pas de dire qu’il faut ouvrir le quartier. Ça passe aussi par faire venir des gens de l’extérieur. »

Tous trois ont reçu une formation intensive d’un mois et demi grâce au PIMMS (Point d’information médiation multi-services) Bourgogne du Sud. C’est bien davantage que dans les structures types (communes ou intercommunalités) qui accueillent ce dispositif. « C’est parfois le moyen de ne pas perdre son bureau de poste, commente Jean-Baptiste Moreau. Pour nous, c’est un service à la population. Nos activités économiques servent à équilibrer le budget de France Services. C’est un label de service public, mais on a l’exigence du privé. »

Depuis janvier, près de 2000 personnes ont été accueillies, y compris des gens de Chalon-sur-Saône, à 40 kilomètres à l’Est du Creusot. Il y a aujourd’hui entre 10 et 20 personnes par jour. Les durées sont variables : l’actualisation d’un dossier Pôle-Emploi peut durer 5 minutes, un dossier retraite entre une heure et une heure et demie. « Mais notre force c’est aussi de détecter d’autres sujets que ceux pour lesquels on requiert notre aide. En ce sens, nous allons plus loin que ce que demande l’État. »

Des retours positifs

Raouda Guilouchi témoigne de son nouveau métier. Elle a repris une activité en 2011, après s’être interrompue pour élever ses enfants. Elle travaille alors dans le secrétariat technique. À l’issue de son dernier contrat en 2018, elle se retrouve au chômage. Le contrat adulte-relais lui permet de devenir médiatrice sociale, une découverte pour elle, même si elle peut mettre à profit son expérience dans le domaine administratif. « Ce type de contrat est en cohérence avec notre mission d’insertion professionnelle » complète Jean-Baptiste Moreau.

Photo de Raouda Guilouchi, agente de la Maison France Services
Raouda Guilouchi, agente de la Maison France Service
« Je ne me rendais pas compte de la détresse. [...] Certaines personnes pensent qu’on peut les aider sur tout. »

 

 

 

« Après la formation en janvier 2020, dit-elle, j’ai continué à apprendre sur le tas. » Les gens sont accueillis sur rendez-vous, ce qui permet souvent d’ajuster en amont la durée de la prestation. D’autres personnes orientées par la mairie ou le commissariat viennent ici sans rendez-vous. Ils sont reçus dans la mesure du possible ou se voient proposer un rendez-vous pour un autre jour. « Quelle que soit la démarche il faut des documents, et l’échange téléphonique permet d’éviter aux usagers de se déplacer deux fois, explique Raouda. Cela assure du coup une plus grande efficacité du service. » Le jeudi matin, en roulement, une permanence est assurée dans le quartier du Breuil. Les retours sont très positifs.

« Je ne me rendais pas compte de la détresse, poursuit l’agente. Ça m’arrive de repenser à ma journée en rentrant chez moi. Ce n’était pas le cas dans mes autres emplois. » Les gens auparavant allaient beaucoup en mairie, au service médiation, surtout pour les titres de séjour. « Parfois on réoriente vers l’assistante sociale, le conciliateur de justice. Une fois aussi, j’ai renvoyé quelqu’un vers le commissariat. Certaines personnes pensent qu’on peut les aider sur tout. »

Le dialogue a changé

« Le dialogue a changé depuis que nous avons ce label. » 

Les syndicats de service public, se souvient Jean-Baptiste Moreau, craignaient que ce projet ne cache une volonté d’économie d’échelle. Il n’en reste pas moins que les administrations renvoient aujourd’hui vers la Régie les dossiers les plus difficiles. Michel Bonneau, président de la Régie depuis 2020, veut lever toute ambiguïté : « On ne prend la place de personne, on comble un vide. » Du côté de la mairie et de la Sous-Préfecture, il y a eu aussi quelques doutes. « Pourtant le dialogue a changé depuis que nous avons ce label. Le directeur des Affaires sociales du Conseil départemental, le Sous-Préfet d’Autun sont venus voir comment on travaillait. »

Photo de Michel Bonneau, président de la régie
Michel Bonneau, président de la régie.

L’un des deux bureaux a ajouté un nouveau service fin octobre 2021 avec la borne-santé. Les agentes de la Maison France Services sont chargées de sa désinfection entre deux visites. Au Creusot, il y a moitié moins de médecins que la moyenne nationale. Il faut compter 5 semaines de délai pour un rendez-vous avec un généraliste, 14 mois pour un dentiste. Avec la borne, on peut obtenir un rendez-vous en visio dans un délai de 9 minutes. Elle permet aussi de prendre le pouls ou la tension, de fournir au médecin quelques éléments de diagnostic. Cela ne remplace pas une visite médicale classique, mais permet de répondre, là encore, à une première nécessité.