Danielle Dobosz

À Montreuil, un atelier artistique d’entraide et de solidarité

Depuis 8 ans, Danielle Dobosz anime un atelier artistique chaque mardi après-midi avec un groupe de 8 à 10 participants. Certains sont fidèles depuis plusieurs années. Si la pandémie en a réduit la fréquentation, elle attend avec sérénité la rentrée de septembre pour un nouveau départ.

Située au cœur du quartier de Bel-Air Grands pêchers, la Régie de Quartier de Montreuil a une entrée discrète, mais il vous faudra encore descendre d’un étage avant de pénétrer dans trois petites pièces où s’accumulent les merveilles. L’une d’elles, et non des moindres, est la sémillante ex-présidente de la Régie qui, forte d’une longue carrière d’enseignement artistique, continue de dispenser ses cours aux happy few du quartier, chaque mardi après-midi.

 

Danielle Dobosz a consacré sa carrière à l’expression artistique et à sa diffusion auprès de tous les publics. Après des études en Arts plastiques, elle a suivi une formation modulaire sur trois ans au Centre de l’étude et de l’expression de l’Hôpital Sainte-Anne, autour de l’art-thérapie. Après diverses expériences, elle a pris la direction de l’école d’art municipale de Rosny-sous-Bois, poste qu’elle a conservé pendant vingt ans. En partenariat avec l’Éducation nationale, elle y a reçu aussi des personnes handicapées mentales, emmenant tous ses élèves dans des voyages un peu partout en France.

travaux atelier

À la retraite, elle est revenue habiter dans le quartier de son enfance et très vite elle a voulu y créer des ateliers artistiques ouverts à toutes et tous. « Au début j’ai essayé avec le chantier d’insertion des Restos du cœur, mais ma démarche a été mal perçue. On n’en voyait pas l’utilité. » Par un ami membre du conseil d’administration de la Régie, elle a trouvé dans ce cadre un lieu où développer son projet. « Nous avions beaucoup de résidents maliens du foyer ADEF, avec des histoires douloureuses, et des difficultés à échanger dues à une mauvaise maîtrise du français. » Depuis quelques années, ce public s’est mêlé à d’autres habitantes et habitants du quartier. « On utilise différentes techniques, du stylo au fusain, mais surtout l’argile. » C’est à travers ces formes non verbales que tous et toutes parviennent à s’exprimer.

 

Les œuvres réalisées donnent lieu à des expositions, notamment avec les murs à Pêche, association dédiée à un haut-lieu du patrimoine montreuillois - 34 hectares de vergers dont la production alimenta jadis la table des Rois de France. Parallèlement, la Régie a accueilli une photographe suédoise, Sophie Brändström, venue photographier les salariés dans leur milieu professionnel. Son travail donnera lieu prochainement à une exposition au Théâtre municipal Berthelot.

 

Au fil des ateliers, Danielle Dobosz s’efforce de sensibiliser son public à l’œuvre de grands maîtres, avec une attention particulière pour ceux qui ont connu la douleur de l’exil, comme Ai Weiwei, par exemple, mais elle entretient aussi des liens avec les artistes locaux : ses élèves s’associent chaque année à la manifestation « Lueurs d’hiver » initiée par la Régie. Et puis il y a les visites, à Paris et ailleurs. « On est beaucoup allé à l’Institut du monde arabe, mais aussi dans de grandes villes de province, comme Blois ou Amiens. »

 

« C’est un atelier d’entraide et de solidarité, poursuit-elle, le lien social est fait pour repérer des potentialités ». C’est ici qu’elle a pu découvrir le talent extraordinaire d’un adolescent malien qui s’est vu offrir par la Régie une formation de peintre-décorateur. Matador a 23 ans maintenant et il s’est métamorphosé, poursuivant ses recherches artistiques. Hamada, un autre jeune, a commencé lui aussi comme bénévole à la Régie avant de trouver un travail à l’OPH de Montreuil et un appartement.

 

 « En revanche, précise-t-elle, ça ne peut pas être un atelier d’art-thérapie, parce qu’il n’y a pas de superviseur. Mais j’observe ce qu’il se passe. » Ce regard bienveillant favorise des échanges qui ont contribué à fidéliser son public. Dans la pièce adjacente, depuis quelques mois, une jeune styliste, Séraphine Bittard, travaille à la création d’une marque de vêtements, Zig Bazar, à mi-chemin entre modèles uniques et prêt-à-porter.  Au sortir de la Régie, en pied d’immeuble, Dounia s’occupe du jardin partagé. Des fleurs d’argile peintes fabriquées dans l’atelier de Danielle Dobosz y seront bientôt disséminées. Les enfants de l’école maternelle juste en face viennent voir les gallinacées qui s’égaillent parmi les plantes. Pour eux, la gardienne des lieux s’appelle « maman poule ».

travaux de l'atelier