On a suivi la régie de quartier à Arras, discrète mais essentielle à la vie de la ville (et de ses agents)
Ils s’appellent Manal, David ou Ali. Ils œuvrent au quotidien dans la seule régie de quartier de la ville, engagée dans des missions de propreté urbaine et de médiation. Rencontre avec celles et ceux qui en constituent l’ADN.
« Pour travailler dans l’insertion, il faut aimer l’humain »
Café dans le gosier, chasuble fluo sur le dos, pince à déchets en main : il n’est pas encore 8 heures que les équipes de la régie de quartier sont déjà sur le départ. Élodie attribue les derniers secteurs, ajuste les derniers binômes, et c’est parti pour cinq heures de boulot dans les quartiers sud et ouest d’Arras.
Elle, est sur le pied de guerre depuis 6 h 30. Pour préparer les boissons chaudes et « l’instant convivial » comme elle l’appelle, avant la tournée des agents. « Je me considère comme la première en insertion. Les galères, je les ai connues, toucher le fond, je sais ce que c’est. » Ambulancière pendant 27 ans, elle a été licenciée pour inaptitude professionnelle. Une fibromyalgie à l’époque, un syndrome Ehler-Danlos en cours de diagnostic, la handicapent dans ses fonctions.
À la régie, elle bénéficie d’un poste d’encadrante technique adapté, a reçu d’autres offres de travail depuis, mais s’accroche au sien. « Pour travailler dans l’insertion, il faut aimer l’humain avec un grand H. » Ici, au quotidien, il n’est pas question que de remettre des hommes et des femmes sur le chemin de l’emploi : pour le directeur Guillaume Lefebvre, « l’accompagnement est l’objet prioritaire ».
« On maintient la ville propre, on n’a qu’une seule planète »
Deux par deux, les agents quadrillent les zones sous marché avec les villes d’Arras et de Saint-Nicolas. À Achicourt aussi, trois fois par semaine. Ils y prélèvent les sacs des poubelles publiques qu’ils déposent dans les points d’apport volontaire (PAV), et ramassent les déchets à terre. Qu’il pleuve, qu’il vente ou qu’il fasse -7° comme ce mois-ci, du lundi au vendredi de 8 heures à 13 heures.
Chacun avale une douzaine de kilomètres chaque jour. Latifa, 47 ans et trois enfants, qui rêve d’une formation de cheffe cuisinière ou de coiffeuse. David, qui « adore » son boulot et Stanislas aussi, qui « ne peu(t) plus faire que ça » depuis qu’il a subi un tassement des vertèbres.
Travailleurs de l’ombre, leurs efforts ne sont pas toujours récompensés : « On peut faire un secteur, revenir sur nos pas et en retrouver autant. » Pire encore après les fêtes de Noël. Ils le savent, et le directeur avec, « cette semaine est la plus dure de l’année ». Le Covid a fait du mal aussi ; depuis la pandémie, « une partie de la population ne met plus ses sacs dans les PAV », mais comme le résume Ali, « on maintient la ville propre. On n’a qu’une seule planète, et c’est notre tâche ».
De la médiation, pour « ne laisser personne sur la touche »
Des dessins, des victuailles et le père Noël : c’était jour de fête jeudi dans les locaux de la régie. Au-delà de la propreté urbaine, deux médiatrices en contrat adultes-relais jouent la médiation avec le public, soit place Courbet comme ici, soit en porte-à-porte. Pour tisser du lien avec la population, discuter du cadre de vie aussi ; Manal, notamment, maîtrise quatorze dialectes arabes et peut donc « orienter le public pour ne laisser personne sur la touche ».
La sensibilisation est elle aussi de mise. Dans les quartiers englobés par le contrat de ville, en partenariat avec Veolia et le Syndicat mixte Artois valorisation (SMAV), des conseils sur la consommation de l’eau et des autres énergies sont dispensés, les consignes de tri portées. Car les dépôts sauvages ne sont pas rares mais les habitants des quartiers, en grande majorité, saluent le travail de ces agents de proximité.